Du côté du bonheur by McPartlin Anna

Auteur:McPartlin, Anna [McPartlin, Anna]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Cherche Midi
Publié: 2018-04-11T22:00:00+00:00

Lynn

Dans les années 1980, Lynn passait le plus clair de son temps au parc avec son chien Marvin. L’endroit avait tout pour plaire. Elle habitait juste à côté, Marvin pouvait y batifoler à sa guise et il s’y passait toujours quelque chose : des adolescents tentaient maladroitement de se draguer près des bosquets, des marmots essayaient de s’entre-tuer dans l’aire de jeux, et l’été, des groupes locaux ou des musiciens de rue se produisaient dans le petit kiosque à musique. Ils n’étaient pas très bons, mais qu’importe – plus ils étaient mauvais, plus ça lui plaisait. Elle regardait passer les saisons et grandir les enfants. Au fil des ans, elle avait fini par connaître les habitués, prendre le temps de papoter avec certains – « Ah, te voilà, Sofia ! Comment va ton ventre ? » – et à en éviter d’autres comme la peste. Zut, Geraldine Grey ! Fais comme si tu ne l’avais pas vue. Elle ne se prend pas pour de la merde, celle-là. Lynn adorait ce parc. Elle s’y sentait chez elle.

Il y avait un banc où elle aimait s’asseoir pour regarder passer les gens pendant que Marvin courait après les lapins, traquait les oiseaux ou tentait de chiper le goûter des enfants. Ce banc était généralement libre, même quand il y avait du monde. Elle le considérait comme le sien. Et puis un jour, elle l’avait trouvé occupé par une femme enceinte jusqu’aux yeux. Qu’est-ce qu’elle fait sur mon banc, celle-là ? Lynn aurait passé son chemin si son cœur ne lui avait pas fait des misères. Elle s’était assise en se tenant la poitrine d’une main et en fouillant dans son sac de l’autre.

L’air inquiet, l’inconnue s’était levée avec une étonnante agilité pour quelqu’un qui ressemblait plus à une baleine qu’à un être humain. « Qu’est-ce que je peux faire ? » avait-elle demandé, mais la pauvre Lynn était bien incapable de répondre. L’autre avait commencé à retirer ses chaussures. « Il y a une cabine téléphonique à l’entrée du parc – je peux faire l’aller-retour en moins de cinq minutes. »

Lynn avait secoué la tête et sorti son spray, puis en avait vaporisé un peu sous sa langue. L’inconnue était dans les starting-blocks.

« C’est bon, avait dit Lynn quand elle avait enfin pu parler. C’est juste de l’angine de poitrine. Ça va aller.

— Vous êtes sûre ?

— Ça va, je vous assure. Pas besoin de courir. » Elle avait souri. La femme s’était laissée retomber sur le banc. « Dieu merci. Je n’étais pas sûre d’y arriver avec mes pieds boudinés. »

Lynn avait regardé ses petites chaussures en toile. « Vous savez que vous n’arriverez pas à les remettre ?

— Je sais, soupira-t-elle. Au fait, je m’appelle Maisie.

— Moi, c’est Lynn. »

Elles étaient restées assises quelques instants. Maisie lui avait montré du doigt son fils Jeremy et son meilleur ami Rave, qui jouaient à qui grimperait le plus haut.

« Pauvre Jeremy, il perd toujours, avait dit Maisie en riant.

— Pourquoi donc ?

— Il a peur du vide, mais il escaladerait l’Everest pour Rave.

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